ONIAM : Coordination entre une responsabilité pour faute et une indemnisation de l’aléa thérapeutique
CCI (CRCI)
ONIAM
Responsabilité médicale
En principe, l’indemnisation par l’ONIAM présente un caractère subsidiaire dans la mesure où elle ne peut intervenir qu’en l’absence de faute éthique ou technique.
Toutefois, il convient tout d’abord de rappeler les dispositions de l’article L.1142-18 du Code de la santé publique, en vertu desquelles :
« Lorsque la commission estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, elle détermine la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office »
Mais surtout, plusieurs exceptions ont été apportées à ce principe par la jurisprudence.
Ainsi, en cas de défaut d’information, tout d’abord, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger, dans un arrêt du 11 mars 2010 (Bull. civ., I, n°63), qu’il résultait du rapprochement des articles L.1142-1 et L.1142-18 du Code de la santé publique que « ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale les préjudices, non indemnisés, ayant pour seule origine un accident non fautif ».
La Haute juridiction judiciaire a ainsi censuré une cour d’appel qui avait rejeté la demande d’une victime contre l’ONIAM au motif qu’un défaut d’information ayant été retenu à l’encontre du médecin, l'indemnisation devait rester « à la charge de ce dernier, l’obligation d’indemnisation au titre de la solidarité nationale n’étant que subsidiaire ».
Il résulte de cette décision qu’en cas de défaut d’information, la réparation du préjudice lié à une perte de chance en résultant peut être complétée par l’indemnisation, par la solidarité nationale, de l’aléa subsistant.
Dans une décision du 23 janvier 2009, la Cour d’appel de Paris (Gaz. Pal., 26 mars 2009, jur., p. 1270) a appliqué cette jurisprudence en présence d’une faute technique du médecin (retard à l’hospitalisation) et de la survenance d’un accident médical.
La cour d’appel de Paris a ainsi retenu :
« Que l’article L.1142-18 du Code de la santé publique prévoit, d’ailleurs, à l’égard des victimes ou des ayants droit qui ont opté pour la saisine de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation que, lorsque celle-ci estime qu’un accident n’est que pour partie la conséquence d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d’un professionnel de santé, elle détermine la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d’une indemnisation au titre de l’office ;
Que la réparation des préjudices de la victime peut être ainsi assumée par le professionnel de santé ayant commis la faute et la solidarité nationale ;
Que ce régime doit être nécessairement transposé au cas des victimes et de leurs ayants droit dont les dommages sont aussi pour partie liés à une faute et pour partie à un accident médical ou une affection iatrogène mais qui ont opté pour la saisine des juridictions (…) ».
Dans cette affaire, les juges du fond ont ainsi estimé que le décès de la victime était imputable à la fois au praticien à hauteur de 5%, en raison de son retard à hospitalisation ayant entraîné une perte de chance de survie, et à l’ONIAM, à hauteur des 95% restant, en raison de la survenance d’un accident thérapeutique gravissime, extrêmement rare.
De son côté, dans un arrêt du 30 mars 2011 (CE 30 mars 2011, n°327669, ONIAM c/ Epx Hautreux), le Conseil d’Etat a jugé que la responsabilité d’un hôpital public pour une perte de chance n’excluait pas l’intervention de la solidarité nationale en cas d’accident non fautif.
La haute juridiction administrative a ainsi retenu que :
« si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ».
Dans cette espèce, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement des juges du fond consistant à imputer les préjudices subis par la victime à la fois à l’établissement hospitalier, à hauteur de 80%, en raison de la perte de chance causée par un retard fautif dans la prise en charge opératoire, et à l’ONIAM, à hauteur des 20% restant, en raison du dommage subi résultant de l’aléa thérapeutique.
Il résulte de l’ensemble de ces décisions que :
l’existence d’une faute médicale imputable à un praticien n’exclut pas la prise en charge par l’ONIAM de l’aléa subsistant,
le cumul de la responsabilité pour faute et de la solidarité nationale n’est pas limité à l’hypothèse d’une faute éthique, telle qu’un défaut d’information, mais s’applique également dans le cas d’une faute technique telle qu’un retard dans une prise en charge post-opératoire à l’origine d’une perte de chance,
le cumul de la responsabilité pour faute et de la solidarité nationale a vocation à jouer même lorsque la faute précède la réalisation de l’aléa, puisque, dans les jurisprudences précitées, la faute (qu’elle soit éthique ou technique) a précisément exposé le patient à l’aléa qui s’est réalisé.
Par Daphné TAPINOS